LA MARQUE ASPIVENIN ANNULEE AVANT SON 40e ANNIVERSAIRE

DROIT DES MARQUES
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La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 23 octobre 2018, avait prononcé la nullité de deux marques « ASPIVENIN », après avoir jugé que celles-ci étaient dépourvues de caractère distinctif au jour de leurs dépôts respectifs, et qu’elles n’avaient pas acquis un tel caractère par leur usage, au moment de ces dépôts.

Par un arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation avait cassé et annulé cet arrêt, au motif que l’acquisition du caractère distinctif pouvait être postérieure au dépôt, rappelant ainsi qu’une marque dépourvue de caractère distinctif au jour du dépôt pouvait échapper à la nullité si elle avait acquis ce caractère distinctif ultérieurement, avant de renvoyer l’affaire, toujours devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.

La position de la Cour de cassation ne surprend pas : ne considérer l’acquisition du caractère distinctif de la marque, par l’usage qui en est fait, qu’au moment de son dépôt reviendrait tout bonnement à vérifier si cette marque est pourvue d’un tel caractère, ce qui ferait de l’exception une simple redondance de la condition générale.

C’est par un arrêt du 20 octobre 2023  que la Cour d’appel de Paris a statué, suite à ce renvoi. La Cour confirme l’annulation des marques « ASPIVENIN » pour défaut de caractère distinctif, mais apporte des précisions sur la méthode à suivre afin de caractériser l’acquisition du caractère distinctif par l’usage qui est fait de la marque.

Sur la période de référence à prendre en compte pour lesdits usages, celui qui se prévaut de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage qu’il a fait de la marque doit rapporter la preuve qu’une telle acquisition est survenue à la date des faits litigieux. A titre d’exemple, s’il a agi en contrefaçon sur le fondement de cette marque, le titulaire doit naturellement démontrer qu’à la date des faits qu’il est estime être contrefaisants, la marque dont il se prévaut remplissait bien les conditions de validité prévues par les textes, sauf à admettre que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage aurait un effet rétroactif. Ainsi, la marque ne pourra être réellement mobilisée qu’à compter du moment où elle a acquis ce caractère distinctif par l’usage. Par conséquent, tant qu’elle n’a pas acquis le caractère distinctif par l’usage qui en a été fait, la marque qui en était dépourvue lors de son dépôt, n’était pas encore réellement une marque, elle l’est devenue.

Sur les usages à prendre en considération, sans surprise, la Cour d’appel ne retient que les usages de la marque « aux fins d’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée », qui permettent au signe dont le caractère distinctif est contesté, de devenir « apte à identifier les produits et services désignés dans l’enregistrement comme provenant du titulaire de la marque ». Partant, la Cour écarte plusieurs usages qui ne relèvent pas de cette catégorie. Enfin, la Cour estime que les preuves d’usages fournies par le titulaire ne démontrent pas l’acquisition, par la marque du caractère distinctif qui lui permettrait d’échapper à la nullité.

Cet arrêt démontre une nouvelle fois l’importance croissante du rôle de l’usage dans le droit des marques, et dans l’acquisition des droits y afférents, mais également de la nécessité d’en apporter la preuve.

Toutefois, afin qu’un signe dépourvu de caractère distinctif lors de son dépôt, puisse accéder à la protection du droit des marques, encore faut-il que celui-ci franchisse plusieurs obstacles :
-    Qu’il soit enregistré par l’Office, nonobstant ce défaut ;
-    Qu’il fasse l’objet d’un usage en tant que marque ;
-    Que cet usage en tant que marque ait pour effet de le rendre distinctif ;
-    Que le titulaire de la marque se prémunisse des preuves idoines afin de démontrer cette acquisition.

Pas impossible certes, encore faut-il qu’aucun tiers n’ait profité de la période antérieure à l’acquisition du caractère distinctif de la marque pour en soulever la nullité.

Par Pierre BRASQUIES, Avocat associé