AGENT OU DISTRIBUTEUR : QUEL INTERMEDIAIRE À L’EXPORT ?
Ce choix doit être fait en fonction de différents critères : nature du produit, coûts, politique commerciale. Mais il doit être également tenu compte des risques liés à l’environnement juridique dans un contexte international.
L’agent commercial
Un statut très réglementé
L’agent commercial est un professionnel indépendant mandaté pour négocier et, éventuellement, pour conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels ou de commerçants. L’agent est rémunéré par une commission sur les ventes réalisées dans le territoire qui lui a été confié.
L’un des avantages essentiels pour le fournisseur est qu’il garde la maitrise de sa politique commerciale (fixation des prix au client, définition de la politique de communication,…). Il garde le contrôle et la connaissance du marché étranger et de la clientèle puisqu’il traite directement avec les clients (facturation et livraison). En revanche il supporte les risques de la relation contractuelle avec le client final (garantie, responsabilité, insolvabilité). Mais l’inconvénient majeur est le statut protecteur de l’agent commercial applicable dans un certain nombre d’Etats et notamment dans ceux de l’Union Européenne. La Directive 86/653 du 18 décembre 1986, transposée dans les législations internes des Etats membres de l’Union Européenne, a instauré le principe d’un droit pour l’agent à percevoir une indemnité de fin de contrat, sauf en cas de manquement grave de sa part ou sauf si ce dernier prend l’initiative de la rupture.
La Directive laisse le choix aux Etats membres entre deux systèmes d’indemnité :
- le premier système est qualifié de système de « compensation ». Ce système a été retenu par la France et par l’Irlande.
- le second système est qualifié de système « d’indemnité ». Ce système a été adopté par 26 Etats membres sur les 28 États membres actuels, dont notamment l’Allemagne.
Dans le système « d’indemnité », le montant de l’indemnité de fin de contrat est obligatoirement plafonné à un an de commissions. Inversement, dans le système de «compensation », le montant de l’indemnité n’est pas plafonné.
Par ailleurs, le système « d’indemnité » vise à indemniser l’agent commercial pour la clientèle qu’il a apportée à son mandant, tandis que le système de « compensation » vise à réparer un préjudice subi par l’agent commercial du fait de la cessation du contrat d’agence. La difficulté existant alors dans le système « compensatoire » réside dans le mode de calcul de cette indemnité, chaque Etat ayant établi sa propre méthode de détermination. C’est ainsi que les tribunaux français fixent généralement le montant de l’indemnité à 2 ans de commissions calculées sur la moyenne des cinq dernières années.
Agent ou apporteur d’affaire ?
Conformément au principe de l’autonomie de la volonté les parties sont libres, à de très rares exceptions près, de choisir la loi applicable à leur contrat. L’exportateur pourra avoir intérêt à proposer l’application de la loi de l’Etat de son agent, après avoir vérifié que ladite loi ne prévoit pas de statut protecteur ou qu’elle contient des dispositions plus favorables que la loi française. C’est ainsi qu’un fournisseur français aura tout intérêt à prévoir que la loi allemande (qui plafonne les indemnités à un an maximum de commissions) sera applicable au contrat avec son agent en Allemagne, plutôt que la loi française.
Si l’entreprise préfère, dans un premier temps, tester un marché à l’export, elle peut aussi recourir à un apporteur d’affaires, qui, lui, ne bénéfice pas du statut protecteur de l’agent. Cependant, son rôle consiste uniquement à mettre en relation le fournisseur avec des clients potentiels. Il ne représente pas l’entreprise exportatrice et ne doit réaliser aucun acte au nom et pour le compte de cette dernière. S’il outrepassait son rôle, il pourrait être assimilé à un agent et réclamer une indemnité de fin de contrat.
Le distributeur
Un partenariat plus libre…
Le distributeur, également dénommé concessionnaire lorsqu’il bénéficie d’une exclusivité territoriale, achète au fournisseur et revend les produits aux clients qui sont situés dans son territoire, en son nom et pour son propre compte. Le distributeur se rémunère par la marge qu’il réalise sur les reventes.
Ce mode de distribution présente l’avantage pour le fournisseur de ne plus avoir à gérer les relations contractuelles avec les clients finaux. Ces risques (solvabilité, responsabilité, etc..) sont assumés par le distributeur. Pour le fournisseur, les seuls risques à supporter sont la défaillance du distributeur ou des problèmes liés à la garantie des produits.
Contrairement à l’agent, le distributeur ne perçoit pas d’indemnité en fin de contrat. Il peut seulement demander aux tribunaux de lui octroyer des dommages et intérêts dans le cas où la rupture du contrat par le fournisseur est brutale ou abusive.
…mais une perte de contrôle pour le fournisseur
En revanche, l’entreprise exportatrice perd la maîtrise de la politique de commercialisation et du marché. Elle n’a notamment pas la possibilité d’imposer ses prix, à la revente. Ainsi, au niveau communautaire, le Règlement 330/2010 du 20 avril 2010 considère que la pratique des prix minimaux imposés demeure une restriction caractérisée à la concurrence, sauf s’il s’avère que cette pratique peut générer des bénéfices concurrentiels. Il est ainsi admis qu’un fabricant impose temporairement un prix de revente à l’occasion du lancement d’un nouveau produit, ce qui peut permettre d’inciter les distributeurs à mieux tenir compte de l’intérêt du fabricant à promouvoir le produit en question. En revanche, les pratiques des prix conseillés ou de fixation d’un prix maximal sont admises.
Par ailleurs, l’importateur distributeur va faire écran entre le fournisseur et les clients finaux et ce dernier n’aura plus généralement de visibilité sur ces derniers. Il est néanmoins possible d’introduire dans le contrat une disposition visant à obliger le distributeur à communiquer au fournisseur des informations sur l’identité des clients finaux. De même, il sera utile de faire souscrire au distributeur une obligation de non concurrence pendant le contrat et postérieurement à son expiration (durée respectivement limitée à 5 ans et 1 an en droit communautaire).
L’entreprise exportatrice peut enfin, en dépit d’une exclusivité territoriale qu’elle aurait consenti à son distributeur, vouloir se réserver la possibilité de vendre ses produits à certains segments de sa clientèle. On pourra prévoir dans ce cas le versement d’une commission, comme si le distributeur avait joué le rôle d’un agent.
Quel que soit le mode de distribution finalement choisi, il est primordial de préciser dans un contrat écrit les obligations de chacun et d’identifier, en fonction des pays d’exportation, les contraintes législatives et règlementaires qui sont susceptibles d’influer sur le contenu du contrat.
Article publié dans les Affiches de Grenoble le 05/12/2014.
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