Les aléas de la vente en ligne
L’e-commerce est maintenant bien installé dans le paysage économique. Selon la Fédération des Acteurs de la Vente à Distance, il pèse 45 Mds d’euros en 2012. L’acte d’achat en ligne est banalisé, la confiance dans le e-commerce et ses acteurs augmente et le taux de satisfaction des consommateurs est désormais très élevé.
Il n’en reste pas moins que l’utilisateur des sites marchands est régulièrement confronté à des désagréments, inhérents au processus même de vente à distance : retards de livraison, colis abimés, non-conformité du matériel livré, dysfonctionnements, etc.
Fort heureusement, la législation française et communautaire offre au consommateur plusieurs recours pour contraindre le « e-commerçant » à remplir correctement ses obligations. Le droit communautaire a d’ailleurs récemment évolué, avec la directive 2011/83 du 25 octobre 2011, qui renforce les droits et garanties du « e-client » en ce domaine. Cette directive est dite d’harmonisation maximale, ce qui signifie que les Etats membres de l’UE ne pourront prévoir des dispositions différentes lors de sa transposition, qui doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2013.
Retards de livraison : une sanction rapide et efficace
L’article L.114-1 du code de la consommation impose au cybermarchand d’indiquer une date limite à laquelle il s’engage à livrer le bien ou fournir la prestation commandée. En cas de dépassement du délai de plus de 7 jours, le consommateur peut dénoncer le contrat, par courrier recommandé avec AR, et demander le remboursement des sommes versées. C’est une sanction particulièrement efficace et dissuasive pour le cybermarchand, qui doit veiller à indiquer une date de livraison réaliste, sous peine d’annulation du contrat. A cet égard, il faut rappeler que les clauses des CGV mentionnant des délais de livraison « indicatifs » sont inapplicables, car réputées abusives (art. R132-2-7 C. Conso).
Sur cette question, la directive du 25 octobre 2011 semble renforcer encore les droits du consommateur, puisqu’il est prévu que la livraison du bien doit intervenir « sans retard injustifié, et au plus tard 30 jours après la conclusion du contrat ». En cas de dépassement du délai, le consommateur doit mettre en demeure de livrer « dans un délai supplémentaire adapté aux circonstances » (notion qui, n’en doutons pas, donnera lieu à des contentieux bien inutiles), et en cas d’inexécution persistante, pourra « mettre fin au contrat ». Toutefois, ces règles sont prévues « à défaut de stipulations contraires », ce qui signifie qu’en pratique, un délai plus long que 30 jours pourra être convenu dans les CGV…et il faudra de toutes façons rajouter le « délai supplémentaire ». Au final, la protection du consommateur en sort amoindrie, et les règles communautaires apparaissent comme en deçà de ce qui est prévu actuellement par le droit interne.
Problèmes de qualité ou conformité : la mise en œuvre des garanties
En matière de vente, le consommateur dispose souvent d’une garantie contractuelle offerte par le cybermarchand, dès lors que le produit est d’une certaine valeur ou technicité. Cette garantie est conclue pour une durée limitée, et contient souvent des exclusions importantes, par exemple en cas d’usage non conforme du produit par le client. Elle vient s’ajouter aux deux garanties légales existantes, qui sont d’ordre public.
Il s’agit en premier lieu de la garantie légale de conformité (article L.211-1 C. Conso), qui permet au client de demander le remplacement ou la réparation du produit, voire l’annulation de la transaction, lorsque le produit est non conforme, c’est-à-dire « impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable », ou qui ne présente pas les caractéristiques décrites par le vendeur. La loi pose le principe selon lequel le défaut de conformité qui apparaît dans les 6 mois est réputé avoir existé au jour de la délivrance, ce qui est particulièrement contraignant pour le cybermarchand.
En second lieu, l’acheteur dispose de la garantie des vices cachés (article 1641 Code Civil), qui permet de faire annuler la vente ou obtenir une diminution du prix dès lors qu’existe un vice « rendant la chose impropre à son usage », existant au jour de la vente (ce qui est le plus difficile à établir).
Cependant, la loi a prévu une garantie supplémentaire pour le « cyberclient » : selon l’article L.121-20-3 C. Conso, « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu le contrat ou par d’autres prestataires de service ». Concrètement, le vendeur ne pourra donc se retrancher derrière un problème lié au transport pour s’exonérer de sa responsabilité, en cas de retard de livraison, ou de dommages pendant le transport. Ce principe est réaffirmé par la directive 2011/83, qui dispose que le risque de la perte ou des dommages ne pèse sur le consommateur qu’à partir de la livraison du bien.
L’arme de dissuasion massive : le droit de rétractation
En cas de problèmes liés à sa commande, le client peut enfin brandir une menace particulièrement efficace, à savoir le droit de rétractation. En effet, selon l’article L.121-20-2 C. Conso, applicable à toutes les ventes à distance, l’acheteur peut se rétracter dans un délai de 7 jours calendaires suivant la livraison du bien, et demander le remboursement des sommes versées, lequel doit intervenir dans les 30 jours suivant la rétractation, à condition que l’acheteur ait renvoyé le produit, à ses frais, au vendeur. Si le vendeur omet de rappeler à son client l’existence de ce droit de rétractation, le délai passe à 3 mois.
Or, la directive 2011/83 a étendu le délai de rétractation à 14 jours, ce qui augmente l’insécurité juridique pour les cybercommerçants, d’autant que le client n’a pas à motiver sa décision. En outre, la directive prévoit que le délai passe à un an, si le vendeur n’a pas informé l’acheteur de son droit (sur les CGV ou tout autre support contractuel). Enfin, le remboursement doit intervenir, non plus sous 30 jours, mais dans un délai maximum de 14 jours ! On constate ici que la directive va beaucoup plus loin dans la protection du « e-consommateur’.
Il faut cependant nuancer ce constat. En effet, d’une part, la directive a allongé la liste des exceptions au droit de rétractation, qui comprennent désormais les contenus numériques immédiatement téléchargés, mais aussi les prestations urgentes de réparation et d’entretien.
D’autre part, le client doit se rétracter « de bonne foi ». Ainsi, dans un arrêt récent, la Cour de Justice Européenne a décidé que le vendeur pouvait demander indemnisation en cas « d’usage excessif » du bien avant l’exercice de la rétractation. Cet usage excessif se caractérise par des manipulations « autres que celles nécessaires pour établir les caractéristiques et le bon fonctionnement du produit » : là encore, cette décision risque de donner naissance à de nombreux contentieux, à l’opposé de l’objectif annoncé d’une meilleure sécurisation juridique du commerce en ligne…
pour télécharger l'article paru dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné le 05/07/2013, cliquez ici: Les aléas de la vente en ligne.pdf (1,7 Mio)